Guaiba le 11 Janvier 1978
Voila plusieurs jours que je dois vous écrire, et la journée passe sans que j'y parvienne.
Merci à Papa et Maman pour leurs lettres toujours bien reçues. J'espère que depuis leur envoi tout va bien chez vous.
des photos (Noël 1977)
Ici les fêtes se sont bien passées, tranquillement. Nous avons fait une veillée de Noël avec F (o magrao), A et P, les consuls américains. Nous avions décoré la maison. Nous avions fait des dentelles de papier que nous avons collées aux fenêtres. Puis nous avions mis des bougies, un peu partout, jusqu'à dehors. Nous avions aussi fait une crèche en mobile, chacun avait fait un personnage et nous avions un semblant d'arbre de Noël. Mais le plus soigné, fut la cuisine. F avait préparé un jambon rôti à l'ananas, puis un plat portugais fait d'abats de volaille dont je ne me souviens plus du nom. Moi j'avais fait un gigot pommes dauphines et des patates douces sautées et une bûche de Noël digne d'un grand pâtissier (je n'en revenais pas moi-même), puis des truffes au chocolat !... P avait fait une quiche californienne. Tout cela arrosé de bon vin et de punch que F avait préparé et qui avait la qualité de ne pas saouler. J'avais aussi préparé des champignons à la grecque, et dans un grand bocal j'avais superposé tous les fruits secs que j'avais pu trouver et que j'avais arrosés de cachaça. Ces deux choses ont duré jusqu'à cette semaine et furent bien meilleures une fois macérées. Voilà pour la bouffe. Il y a eu avant le repas la distribution des cadeaux. E avait naturellement des paquets de play-mobils, T une trousse de manucure et un collier, G un ensemble brosse peigne glace et des livres en Portugais. Moi, j'ai eu des disques et un bouteille de Givenchy III, D, une pipe et des livres.
Les filles étaient sur leur trente et un. Je leur avais fait une robe à chacune et acheté des sandales en jean. Je m'étais aussi fait une robe en crêpe blanc avec beaucoup de tour.
Voilà on a voulu faire semblant de faire la fête ! Pour le jour de l'an, nous sommes allés tous à Porto-Alegre. Nous avons laissé les enfants chez A et P et nous sommes allés au club anglais. c'était un peu lugubre et je me suis un peu em..dée. D a dormi dans la voiture pendant que nous dansions. Nous avons ensuite dormi chez A et P et avons rejoint Guaiba l'après-midi.
Le temps est assez bizarre. Nous avons eu presque froid pour les fêtes. Nous attendions la pluie, tout était sec. Elle est venue les deux derniers jours de l'année, mais elle a été insuffisante. Nous l'attendons encore. Il fait très chaud certains jours. Samedi dernier par exemple, c'était irrespirable, puis le lendemain il faisait gris ...on ne sait pas comment s'habiller.
Il pousse en ce moment des montagnes de champignons et D est heureux. Mais à cause des chaleurs, il y a beaucoup de perte, car ils s'ouvrent tous. L'air conditionné n'a jamais été à la hauteur. D pique des rages, mais que faire ?.. Il a au moins la satisfaction de les faire pousser, de constater qu'il sait encore les faire pousser, cela lui a redonné confiance. Pourvu que cela dure jusqu'à notre départ.
Nous avons repris le CNTE, bien forcés. Nous arrivons à la moitié de l'année. La semaine prochaine, nous ferons la 15ème série sur 30. Cela nous redonne aussi du courage.
J'ai fait beaucoup de couture pendant mes vacances. En plus des robes dont j'ai parlé plus haut, je me suis fait une autre robe, puis une jellaba en éponge. En ce moment je fais un ensemble en jean pour E. J'ai fini le blouson et je vais faire un short et un pantalon, style saharienne. Je deviens une experte !... mon problème reste les boutonnières, je voudrais une machine qui les couse.
Je vais recommencer une autre feuille, car j'ai encore des choses à raconter.
Mes lapins ne sont pas encore en grande forme. Il y a une épidémie de peste. Ils font des bubons, c’est un peu ragoûtant à voir. J’avais déjà vu un expert qui m’avait prescrit du chloranphénicole. Je leur en ait donné un par un à la petite cuiller. Je croyais avoir enrayé la maladie et voila que cela repart. Hier, j'ai trouvé deux nouveaux malades et un mort. Je recommence encore les antibiotiques. J'ai désinfecté toutes les cages.
Il y a eu quand même neuf naissances avant-hier.
Nous avons de nouveau un chien. On l’a appelé 'CORKIDU'(sic !). Il répond bien à son nom. Il est minuscule. T l'a rapporté du collège, il y a un mois, à peine sevré. Il a grossi et grandi depuis, mais reste encore de la taille d'un lapin. J'espère qu'il ne grandira plus. Il est très mignon. Pardon, c'est une chienne ! Elle est vraiment très marrante. Elle attaque le coq pour qu'il joue avec elle, mais lui ne goûte pas la plaisanterie, et il l'attaque pour de vrai. C'est très drôle. La chatte la tolérait pendant un moment, mais elle devient méchante et lui donne des coups de griffes sans raison. Corkidu n'apprécie pas, elle pleure, elle pleure..., une vraie comédienne.
Nous avons découvert une piscine naturelle pas loin de chez nous. A l'endroit où la Sangra Escura rejoint le Rio Guaiba, il y a de la profondeur. C'est au milieu du 'mato', perdu au milieu de grands arbres d’où pendent des mousses et des lianes et de cactus géants. Un peu difficile d'accès, mais nous connaissons maintenant le chemin par cœur. Nous traversons des champs de maïs pour y aller. Il y a à peu près un quart d'heure de marche. Pour y aller ce n'est rien, mais pour revenir, après le bain, c'est plus délicat. C'est un vrai délice de se plonger là dedans quand le soleil tape. Quand nous avons des visites, nous ne manquons pas d'y aller. Tout le monde apprécie.
Maintenant que ce sont les vacances, nous n'avons plus beaucoup de visites et les dimanches sont vides ; F vient nous voir dans la semaine. A propos, pour répondre à votre question, il n'a pas de femme ! Il vous transmet son meilleur souvenir, espérant qu'un jour vous le connaîtrez.
Je vais m'arrêter là. J'espère avoir bientôt de vos nouvelles. Je crois que c'est fichu pour le téléphone, c'était pourtant bien agréable.
Gros baisers à tous. Bloavez Mad.
J'ai reçu deux paquets de télégrammes, mais sans médicaments. Ils ont du être enlevés.
Sanga Escura le 24 janvier 1978
Les lettres de Papa et Maman nous sont arrivées et m'ont bien fait plaisir. Que Maman fasse ainsi souvent du baby-sitting pour pouvoir passer la soirée avec moi !
Ici tout va. Le CNTE a recommencé et avec soulagement nous avons commencé lundi la deuxième moitié : plus que quinze séries !... Les enfants sont en pleine forme. Ils passent beaucoup de leur temps dans l'arroio. E plonge de deux mètres et est très fier de lui. Ils ont ouvert un club depuis hier, le club des frères. G a été élue présidente ! Ce midi, nous y étions invités, D et moi. Nous avons eu le droit de déguster du lait aux bananes et des 'cachorro quente' préparés par G. Pendant qu'E nous faisait un spectacle d'acrobaties dans l'eau.
D va bien, quand la température n'est pas trop haute ! Ces champignons ne supportant pas cela. La production est bonne en ce moment, mais il tremble à chaque orage, à chaque élévation de température. Hier soir il y a eu un orage maison. La foudre est tombé sur le transformateur de la culture parce que le paratonnerre qui était cassé, et qui devait être réparé samedi dernier, ne l'avait pas été, parce qu'il pleuvait. Ici, c'est comme cela, la pluie paralyse tout. Alors la culture est restée sans air conditionné toute la nuit. Aujourd'hui, D est abattu, n'a pas le moral, et rêve de fuite !...
Moi ça va. En ce moment je me sens détendue. Pourvu que cela dure. Je crois que c'est parce que je pense que la quille est pour bientôt. Je fais toujours beaucoup de couture... Pour un poste de prof, c'est fichu, parce que je ne suis pas brésilienne. J'attends avec impatience de quitter cet endroit qui m'a refusée !.. Nous faisons en ce moment des démarches pour obtenir un visa de sortie. Ce n'est pas facile. Il ne faut pas en avoir un besoin urgent. Il faut vivre ces tracasseries administratives pour savoir que cela existe. Ce visa sera valable six mois et moi j'espère que l'on sortira définitivement avec...
Hier soir, nous sommes allés à P.A., D et moi. Nous étions invités à un dîner de 'despedida' pour A et P. C'était chez un ami chinois. La cuisine était très bonne et les gens sympathiques. Le nouveau consul américain est moitié Français (sa mère est de Cambrai). Il a vécu dix-huit ans en France et ressemble à Bourvil. Il parle avec un accent parisien. Il est très sympathique. A a bien assuré sa succession. Ce soir nous retournons à P.A. pour les accompagner à l'aéroport. C'est triste de perdre de bons amis, mais c'est notre rançon. Nous espérons passer quelques jours chez eux à Washington au retour.
Demain soir, nous serons encore de sortie. Nous sortons avec F et R (qui revient de France). Voilà une semaine bien remplie où l'on ne s'ennuiera pas !...
J'ouvre une parenthèse : P est artiste diplômée d'une université des arts très fameuse aux U.S.A. L'autre jour, j'ai discuté avec elle de Filiger et elle m'a montré un livre qui en parlait et où on racontait l'histoire de l'école de Pont-Aven. Il était question de l'auberge du Pouldu et de l'aubergiste Marie Henry. J'aimerais savoir ce que Mémé avait à voir là-dedans et comment Filiger a atterri à Plougastel. Papa peut-il me raconter cela. P est très intéressée.
Maintenant, je vous raconte la triste aventure de mes lapins. Ils étaient toujours malades et l'antibiotique ne faisait plus d'effet. Je les ai largués dans la nature pour qu'ils se soignent (déjà quelques uns sont ainsi revenus guéris). La deuxième nuit de liberté, ils ont presque tous été bouffés. Un vrai carnage. Nous avons ramassé les cadavres à la pelle le lendemain matin. C'était horrible, je suis restée toute hébétée... cinq ont survécu. Je pense que c'est une horde de chiens qui a du faire cela. La nature est cruelle. La cochon d'Inde vient aussi de payer de sa vie. Elle était prête à mettre bas. Encore un coup des chats probablement. Corkidu va toujours bien et est toujours adorable. Elle se contente de se battre avec le coq.
Je vais m'arrêter là en vous embrassant tous bien fort. Ecrivez-moi vite.
J'ai sûrement oublié de dire des trucs. Ce sera pour une autre fois.
Ci-joint une coupure de journal sur P, la photo étant prise chez nous, par moi, et révélée par mes soins. Je pense que je pourrais me plaindre au journal qui l’a publiée sans me citer, mais c’est quand même à mon honneur. Ci-joint aussi les instructions élection pour Papa.
A lettre de Papa est arrivée aujourd’hui et ça m’a fait chaud au cœur. Il y avait tellement longtemps que j’attendais des nouvelles. Je suis contente de savoir que tout va bien et surtout de savoir que Maman a trouvé du travail.
Ici la vie continue tant bien que mal, je ne saurais pas le dire, elle continue c’est l’essentiel.
L’école va recommencer lundi prochain et les filles sont super agitées. Elles partent cette après-midi à Guaiba pour acheter leurs fournitures. Il pleut, mais ce n’est pas cela qui va les arrêter. Elles sont en train d’attendre à l’arrêt de l’autobus...
G est rentrée de Torres lundi dernier. Elle était restée quelques jours chez des amis. Samedi nous sommes tous allés camper à Itapiruba, dans l’état de Santa Catarina, au bord de la mer. Nous y sommes restés jusqu’à lundi. Le temps était mitigé, mais nous étions quand même contents de changer d’air.
des
photos (camping à Itapiruba)
Nous arrivons en fin d'été et nous nous sentons mieux, car le temps est moins lourd. Aujourd'hui, la pluie s'est mise à tomber. L'été a été très sec, et cette pluie fait du bien à tout le monde.
D'abord, j'espère que la lettre pour C est enfin arrivée. J'ai répondu depuis longtemps. E a aussi envoyé une carte à A-M. C'est très désagréable de voir le courrier qui va si mal.
M et Ch avait l'intention de venir nous voir à Pâques. Je ne sais pas si c'est toujours leur idée. Je l'espère. Dans ce cas, il y a des choses que j'aimerais recevoir : farine de blé noir, nescafé décaféiné, quelques fromages, saucissons et moutarde (tout pour la bouffe !..). Plus quelques boîtes de Stédiril et un couteau pour le hache-viande Moulinex robot Charlotte ou Marie (je n'en sais trop rien !).
Les télégrammes sont toujours très appréciés et arrivent à peu près régulièrement. Merci pour le Daflon et pour le calendrier. Pourriez-vous leur joindre les catalogues de tricot Phildar, au moins celui Automne-Hiver, car nous pensons déjà à nous prémunir contre le froid qui parait-il va être rude cet hiver.
Profitant d'une pose dans cette prose, je joins pour les
lusitanisants un poème d'un journaliste porto-alegrense (fils d'Erico
Verissimo). On y chante la pollution de l'eau qui à Porto Alegre cesse d'être
potable.
Les champignons poussent vaillamment. Mais ce n'est pas
une idée géniale de produire des champignons au Brésil. Peut-être vais-je
choisir un autre terroir.
Ciao. D.
Je couds des chemises en flanelle à toute la famille pour l'hiver.
Nous avons enfin notre visa pour sortir du pays, il est valable six mois.
Pour le téléphone, nous serions heureux de vous entendre, mais il faut absolument que nous soyons prévenus de la date et de l'heure : n° 247749 à Porto Alegre. Je suis dans la voiture, en route pour Porto Alegre et le trafic est interrompu sur la route nationale pour laisser passer un énorme troupeau !...
le 4.3
Je reprends aujourd'hui ma lettre interrompue depuis deux jours. Le soleil est revenu avec encore des promesses de chaleur. Il est huit heures du matin et ça tape déjà.
Des petits canards sont en train de sortir de leur oeuf ce matin. Il y en a quatorze de prévus. C'est ensuite qu'ils risquent de se faire exterminer. Des seize qui étaient nés l'autre fois, seuls six sont arrivés à l'état presque adulte. La nature est impitoyable. C’est rigolo de les voir partir à peine sortis de l’œuf, à la queue leu leu derrière leur mère, jusqu’à la rivière. Le problème est que chaque soir on n’en voit revenir que la moitié et c’est vite l’extinction.
Depuis deux jours, D a des ennuis à la culture et en décolle à peine pour dormir quelques heures. Un moteur a cramé et il n'arrive pas à le réparer. Alors les champignons vont cramer aussi. On commence à en avoir l'habitude. Je ne m'émeus plus beaucoup. Le plus embêtant est que D ne peut pas s'empêcher de se tracasser et il se crève, pour ensuite n'avoir aucune reconnaissance. Il est entouré d'une bande de 'palhaços'. Je n'ai qu'une hâte, c'est qu'il laisse tomber tout cela. Je n'ai aucune idée de ce que nous réserve l'avenir, mais tout sera meilleur. Cette expérience aura été un 'fracasso' total. Quand j'en serai sortie, j'essayerai d'en sortir le positif.
J'ai rêvé, il y a deux nuits, que vous deux et Catherine veniez nous voir en voiture, juste passer une journée ! Avez-vous l'intention de pousser jusqu'à M ? C'est bien moins loin ! Constater le passage de l'hiver. Papa pense-t-il a transporter des dalles d'ardoise ? J'ai reçu une lettre de F, je lui répondrai prochainement.
Je vais m'arrêter là pour que la lettre parte aujourd'hui. Je vais à P.A. conduire E chez F. Ils doivent passer le week-end à Torres.
Grosses bises à tous.
Ecrivez vite
Pour fêter la fin du CNTE pour Erwan nous sommes partis tous les deux par le bus de Porto Alegre à Rio de Janeiro ! … 27 heures de bus, très confortables, les sièges s’abaissent pour faire couchettes. Il y a une ambiance très folklorique pendant cette plus d’une journée de voyage. C’est le moyen de transport le plus régulier et les horaires sont bien respectés. Toutes les trois heures à peu près, il y a un arrêt, dans un « café, restaurant, toilettes ». Tous les deux arrêts il y a changement du binôme chauffeurs.
F nous avait passé les clés de l’appartement de son oncle à Copacabana. Nous avons pris un taxi en arrivant à la « rodoviaria » et nous nous sommes installés dans l’appartement avec vue sur la mer ! Hélas, ça craint là-bas, car dès le premier matin nous sommes allés faire des galipettes sur le sable blanc de la plage et une minute d’inattention a suffit. Je me suis fait voler mon sac. On a vu courir vers nous deux femmes américaines tenant mon sac à la min. J’ai mis un moment à comprendre ce qu’elles me voulaient et ce qui s’était passé. Elles avaient assité de loin au vol et avaient vu les voleurs s’enfuir en jetant le sac après avoir récupéré ce qui les intéressé. Un peu d’argent, mais surtout les clés de l’appartement avec l’adresse écrite sur le porte-clé. Horreur ! Le gardien de l’immeuble avait un double, on a pu rentrer chez nous, mais c’était dimanche et il a fallu attendre le lundi pour trouver un serrurier qui vienne changer la serrure. Quelle nuit ! Je n’ai pas fermé l’œil. On avait poussé une armoire contre la porte pour essayer de se faire croire qu’elle était bloquée. Enfin le matin est arrivé et nous n’avions pas reçu de visite ! Au final cette aventure m'a valu 500 Cruzeiros, plus une nouvelle clé...
Il ne faisait pas très beau les premiers jours, mais ensuite nous avons eu le droit à un temps presque tropical. Nous sommes restés en tout une semaine. Nous aurions pu rester plus longtemps, mais la saudade est plus fort que tout, et aussi j'ai pu me rendre compte que toute seule, même avec E, les possibilités sont plus limitées. Nous en avons tout de même profité au maximum. Nous sommes montés au Pao de Açucar, au Corcovado où est la Cristo Rei (la vue est merveilleuse). Puis nous avons pris le vieux tramway (le bonde) pour monter à la colline de Santa Teresa. Nous avons visité le jardin zoologique. Nous sommes aussi allés voir des amis ou plutôt des amis d’amis (on tombe toujours un peu comme un cheveu sur la soupe !) et surtout la famille chaleureuse de notre amie Maria Magdalena, où nous avons été très bien reçus. Une vieille maison de caractère, dans un grand jardin plein d’arbres gorgés de fruits de la passion du quartier Gloria, type même de ce que l’on voit dans les « telenovelas » à la télé !
Je sais que si au lieu de débarquer à Guaiba, nous avions habité Rio, le Brésil eut été différent pour moi. Cette semaine m'a donné envie d'y retourner et de connaître mieux le Brésil avant de partir. E a été surtout heureux parce que je lui ai acheté une boîte de play-mobils !
On était en plein « mundial ». Déjà à Guaiba, nous avions eu du mal à y échapper et on a même vu une soirée mémorable de match « France contre quelqu’un », où nous étions tous les 5 sous la couette de notre lit, tant il faisait froid dehors, suivant le match à la télévision ! Il est pourtant connu que nul d’entre nous ne s’intéresse au foot ! C’est aussi cela la magie du Brésil !
Donc à Rio c’était encore plus difficile de passer au travers. Dans chaque café ou restaurant il y avait la télé et les gens réservaient leur place à l’heure d’un match. C’est ainsi que j’ai assisté à la défaite des Français contre l’Italie et que dans le restaurant où nous étions, les gens qui ont su que j’étais française sont venus me présenter leurs condoléances !
Le retour en autobus a particulièrement été animé. Il y avait le match Brésil contre Pérou pendant que nous roulions. La plupart des voyageurs avaient un transistor et essayaient de suivre le match. Mais le son ne passait pas. Alors deux ou trois gars ont été autorisés à rester dans la cabine du chauffeur, ce qui est habituellement formellement interdit. Ils ressortaient de temps en temps pour faire les commentaires pour toute l'assistance. Moi je commençais à m'assoupir entre Rio et Sao Paulo, zone où une route abrupte et sinueuse traverse des montagnes à végétation très tropicale. Soudain un cri me réveille en sursaut. Le temps d'une seconde, j'imagine que le car s'enfonce dans le précipice ! Mais ouf ! non ! c'était un premier goal ! Il y en a eu quatre, mais ensuite je me suis habituée et j'ai été moins secouée. Donc le Brésil a gagné par quatre à zéro. Au premier arrêt, pour fêter cela, les gars sont descendus acheter de la cachaça, et ils ont picollé, jusqu'à Sao Paulo. Ils étaient toujours dans la cabine du chauffeur, moi je commençais à avoir la trouille, en pensant que le chauffeur pouvait être aussi bourré qu'eux. J'ai vu arriver le relais de Sao Paulo avec soulagement et on a changé de chauffeur. Au démarrage, les gars ont tenté de séduire le nouveau chauffeur, mais il n'était pas d'accord et ils ont dû regagner leur place. Finalement les vingt-sept heures passent assez vite et l'on parvient même à dormir. Il y avait aussi dans le bus une bonne femme, sacrée figure. Elle me faisait penser à Bouboulina de Zorba le Grec ! Une vieille peau qui avait du être une beauté ! Un groupe de jeunes buvaient ses paroles quand elles racontaient que tel et tel prince avait été fou d'elle. Ses histoires ont duré une bonne partie de la nuit. Je regrettais de ne pas avoir un magnétophone. J'aimerais bien faire le tour du Brésil en autobus, avant que nous partions.
des photos (escapade à Rio)
Nous voilà revenus et le temps de reprendre la vie routinière et campagnarde, je vous raconte les dernières nouvelles.
Tout s'était bien passé en mon absence. D a même trouvé une bonne qui vient un jour sur deux faire la vaiselle. C'est la seule chose que l'on puisse exiger d'elle, car elle ne sait rien faire d'autre.
Le jour de mon retour, D a reçu un télégramme de la FAO lui demandant de se mettre en rapport avec leur bureau de Rio. Il a téléphoné. Il est attendu en Syrie le 17 Juillet. Il pense voyager le 14 Juillet, faire une escale à Paris et arriver à Damas le 16 au soir. Nous ne savons pas encore ce que le reste de la « turma » va faire. Je pense que je vais rester à P.A. pour attendre D, car il ne sait pas combien de temps il restera encore ici. Je pense que les enfants pourraient profiter du voyage de D pour rentrer en France. J'attends que D se décide et s'occupe des billets. Je ne me sens pas très animée par l'avenir, je préfère ne pas trop y penser.
Nous sommes an hiver et il a fait très très froid pendant quinze jours, à ne pas savoir où se mettre, ni comment s'habiller. Dans les maisons il faisait glacial. Puis le temps s'est réchauffé, il a même plu, mais pas assez pour arrêter la sécheresse et nous donner de l'eau. Le soleil est revenu, il fait plutôt froid, mais dans la journée c'est supportable.
Samedi, nous fêtons la Saint Jean. C'est la fête des caïpiras (paysans). Tous nos amis de Porto Alegre débarquent chez nous pour y assister. On va passer la nuit autour du feu. Nous ferons un reportage pour vous raconter cela. Nous en profiterons pour manger les canards.
Nous avions retrouvé 'Petiço' le cheval, mais il s'est encore enfui. Il n'avait plus rien à manger avec cette sécheresse. Les chèvres sont maigres et n'ont, non plus, pas grand-chose à brouter. On est obligé de les laisser libres. Elles font des bétises, surtout Churrasquinho et sa fille. La marron ne devrait pas tarder à mettre bas. Elle est pleine de lait. Depuis le temps que l'on attend ! Churrasquinho sera papa une seconde fois et je crois qu'il y en aura deux cette fois. Ce n'est pas cela qui le rendra plus raisonnable !
Je fais beaucoup de couture pour occuper mon temps. J'ai fait des robes de velours pour les filles. J'ai aussi acheté du velours à fleurs pour faire un ensemble à G, mais je n'ai pas encore commencé. Pour l'anniversaire de T, je lui ai acheté une jupe en velours et un pull. Elles n'ont plus grand-chose à se mettre. Ici tout est cher et de mauvaise qualité. Quand je pense qu'il y a deux ans nous avons quitté la France en pensant faire fortune ici. Nous sommes tombés bien bas. Enfin, nous avons M.
En rentrant, j'ai trouvé la brève lettre de Papa. Le courrier se fait vraiment rare. Est-ce l'idée que nous rentrons bientôt ? Il est vrai que je n'écrivais plus beaucoup lorsque je travaillais. Je vais peut-être avoir une nouvelle occupation, j'attends des détails et je vous raconterai une autre fois si cela marche.
Je vais m'arrêter là. J'ai sûrement oublié de vous dire beaucoup de choses. Dès que je saurai plus sur nos projets futurs, je vous écrirai. Je n'ai hélas pas réussi à profiter du téléphone à nouveau !
des
photos (Noël 1977)
des photos (camping à Itapiruba)