Sanga Escura le 2 juillet 1977
Voilà bien longtemps que je ne vous écris pas. Je n'ai pas eu une minute tous ces temps derniers, depuis que je me suis lancée à refaire les peintures de la maison. J'ai entrepris de repeindre les chambres. J'ai commencé par la chambre d'amis qui sera celle de G en l'absence d'amis. C'est le plafond qui a été le plus difficile. J'ai peint le parquet (obligée, parce que j’avais renversé le pot de peinture !), les fenêtres; la porte et le plafond, en vert foncé et les murs en blanc. J'ai terminé hier soir et aujourd'hui, je m'occupe du mobilier. On a sorti du « galpão » une vieille armoire style 1900, qui sera très bien dès que je l'aurai nettoyée.
Avec tout cela, je suis toujours sans femme de ménage et j'en ai plus que marre d'être la bonne de tout le monde à la maison. Je n'ai plus le temps de faire que du ménage et de la vaisselle.... Le jardin en souffre, je n'ai pas le temps d'enlever les mauvaises herbes. Je vais présenter ma démission !...
Côté travail à l'extérieur, j'ai un peu d'espoir de faire partie d'une équipe sur un projet de recherche. Je serais consultante et je pourrais travailler en partie à la maison.
Cette semaine a été bien triste car le R. sont définitivement partis. On n'y croyait plus, mais ça devait bien arriver. C'était vraiment des amis sensationnels, comme on en trouve rarement et la vie ici, sans eux, va être encore plus difficile. Ils nous ont promis qu'ils iraient vous voir, mais ils ne seront sans doute en France qu'après le mois d'Août car lui doit faire un travail à Recife avant de quitter le Brésil. Quand vous les recevrez, ce sera un peu de nous que vous recevrez.
La semaine dernière, E. a été malade. On a eu un peu peur car il avait des symptômes bizarres. Il a hurlé toute la nuit car il avait mal au cou. Puis le matin, il a vomi. Tout cela avec de la fièvre. Le lendemain matin, nous l'avons transporté à Porto Alegre à l'hôpital où travaille P. R.. Il l'a examiné et lui a seulement trouvé une amygdale enflée, ainsi que les ganglions du cou. Nous étions rassurés, Ce n'était pas la méningite. Il est resté couché quatre jours, fiévreux malgré les antibiotiques et se plaignant toujours beaucoup du cou. Il était insupportable, en voulait à tout le monde d'être malade et d'avoir mal. J'ai finalement pensé aux oreillons. P. R. est revenu le voir le dimanche et pensait que non, car ce n'était pas assez enflé. Puis cela s'est calmé. On ne sait finalement pas trop ce qu'il a eu. Je pense que c'était viral, et je pense même encore que c'était les oreillons sous forme atténuée. Je me souviens que G. et T. n'ont pas été très enflées non plus quand elles les ont eus. Avec tout cela, il a perdu sa bonne mine. Il ne mangeait plus. Mais déjà l’appétit revient et il va vite retrouver la forme.
Ils ont changé d'horaire au collège. Ils vont maintenant le matin. C'est un peu dur de se lever pour le car de sept heures, mais ils sont bien contents de pouvoir profiter ensuite de l'après-midi. Surtout que cette semaine il fait beau et chaud, une vraie chaleur d'été. On ne sait vraiment pas comment s'habiller. Samedi dernier, il faisait un froid sibérien, avec un vent glacial, le « minuano », vent du sud. Puis dimanche, un temps de printemps. Depuis, la température n'a cessé de monter. On prévoit de l’orage et de la pluie avant ce soir.
D. n'est pas heureux pour ses champignons. La production était bonne jusqu’à présent, mais ils craignent beaucoup la chaleur.
G. a suivi passionnément le match France - Brésil , l'autre soir : deux à deux, tout à l'honneur des Français.
G. est en plein « provões » cette semaine, les tests. Elle ne s'en fait pas. C'est toujours le plus facile du monde. Elle a effectivement de bons résultats. Dans quinze jours, ils sont en vacances. Au CNTE, T. passe en CM2. Les derniers résultats de G. sont bons et je pense qu'elle va passer en 5ème. Je n'ai encore rien reçu pour E., mais je suis bien certaine qu'il va redoubler. Je ne me suis pas encore décidée pour l'an prochain : je l'inscris à tout ou à rien ? Peut-être qu'à la prochaine rentrée nous serons en France, car ce sera la limite pour le visa de touriste... Si le visa de résident n'est pas prêt, nous rentrons. Il est parait-il en bonne voie !
Les chevreaux et les petits lapins se portent très bien : deux chevreaux mâles et quatre lapins (sexe encore imprécis). La chatte attend toujours et la pauvre a du mal à se traîner. Elle se demande bien ce qui lui arrive.
Je n'ai pour encore reçu ni les journaux, ni les graines, mais j'ai reçu l’histoire de la médaille de Papa. Félicitations, et félicitations plus grandes encore pour l'avoir refusée !...
J'ai reçu la grande lettre de Maman. Ca faisait longtemps que l'on était sans nouvelles. Que j'étais contente ! Si elle pouvait recommencer chaque semaine, et Papa aussi, je supporterais plus facilement la vie ici.
J'avais encore sûrement beaucoup de choses à vous dire. J'ai des photos à développer pendant le week-end, donc envoi prochain.
Ecrivez par pitié !...
P.S. Je me suis abonnée à 'Cent idées', j'ai reçu le premier numéro. Ca me fait plaisir. Dans les journaux pouvez-vous me glisser des catalogues Phildar, tricots et décoration ?
Lundi matin
M.-J. embauche ce matin une femme de ménage, très noire et très forte. Nous allons faire des photos des différents enfants.
Bien à vous
D.
des photos (vie quotidienne à Sanga Escura)
Sanga Escura le 13 Juillet 1977
Les nouvelles de chez vous se font rares. Depuis la lettre de Maman, plus rien. Nous sommes vraiment au bout du monde. Le seul courrier que nous recevons depuis bientôt quinze jours, ce sont les périodiques auxquels nous sommes abonnés et encore, tous n'arrivent pas.
Je vous raconte les dernières nouvelles. Tous d'abord, les dernières naissances.
La semaine dernière, la lapine angora a accouché et tous ses petits ont été mangés, par un rat, je crois. C'est idiot, mais nous nous sommes laissés surprendre, on ne savait pas quand elle devait mettre bas. Le matin, je l'ai trouvée qui faisait son nid. Je pensais que l'on en avait pour quelques jours, le temps de lui préparer un abri. Puis le soir, en allant porter à manger, j'ai senti les petits dans le nid. On a eu peur d'effrayer le mère en y touchant. On a pensé qu'elle saurait les protéger et le lendemain, il n’y avait plus rien, que des traces de sang à côté.
La « noire et blanche » a aussi fait son nid, mais à l’abri. Puis elle a accouché de trois petits. Un est mort et il en reste deux bien vivants, noirs et blancs, comme le père et la mère. La blanche attend toujours.
La chatte a eu cinq petits après bien des difficultés. J'ai cru qu'elle y resterait. Elle nous a empêchés de dormir toute une nuit. J'avais peur qu'elle ne fasse ça dans mon lit ! Elle avait préparé son nid dans la caisse de la télé, sur l'armoire, mais elle voulait rester près de moi. Elle se demandait bien ce qui lui arrivait. Je lui ai massé le ventre. A six heures du matin, le premier est sorti. J'avais eu le temps de la mettre sur un plastique près du lit ! Dès qu'elle a crevé la poche des eaux, elle a pris le petit dans sa gueule et l'a monté dans la caisse. Ensuite, le cirque a recommencé. Nous sommes allés passer la journée à Porto Alegre et en rentrant, nous en avons trouvé cinq petits dans la caisse. Elle était toute fière de me les montrer. La pauvre ! Ce matin, D. en a passé trois à la chambre à gaz. Depuis, elle gueule comme une âme en peine. Les deux qui lui restent ne lui suffisent pas. Il y en un pour le chauffeur du car et un pour E., un mâle et un femelle, je crois. Voilà pour cela.
Pour être plus drôle, je vais vous parler de nos visas, qui une fois de plus, ont expiré. Nous sommes allés à la police. Après nous avoir dit que nous étions des illégaux et nous avoir fait déposer 12 000 Cruzeiros (4 800 FF), dépôt pour un mois qu'a fait P. R., ils nous ont accordé un nouveau visa de trois mois, nous assurant que ce serait le dernier. Ils nous ont dit que si nous sortions du Brésil, on nous ferait des difficultés pour rentrer avec de tels passeports. Comme le contrat ne revient toujours pas de Rio, nous devons nous attendre à quitter le Brésil avant le 7 Octobre, et pour un bon moment. Comme G paiera place entière en avion, à partir du 2 Octobre, moi je dis que nous partirons avant cela. Donc, attendez-vous à nous voir débarquer, et en piteux état !...
A part cela, je suis toujours en pleine peinture. Je peins en ce moment la salle à manger. Maintenant que j'ai une femme de ménage, j'ai beaucoup plus de temps à moi. Toute la journée je n'arrête pas de faire des tas de choses que je ne pouvais pas faire avant. C'était vraiment indispensable que je me fasse aider. En plus, c'est une fille très travailleuse. Je n'ai rien à lui dire. Elle est costaud et fait des trucs que je ne ferais pas. Elle a ciré toute la maison ! Pourvu qu'elle ne me fasse pas faux bond à la première occasion.
Les champignons semblent repartir. Les trois derniers mois n'ont donné aucune commission, à cause des voyages en Argentine et en Uruguay. Deux salles n'ont rien donné, ce qui a fait baisser la moyenne de production. Si nous devons partir, il n'y aura pas grand regret de notre part, ce n'est pas le Pérou !... Ces jours-ci pourtant, D est encore inquiet, et cela à cause du temps que nous avons. Hier, il faisait 32 °C, et nous sommes en plein hiver. C'était un record depuis dix ans. L'air climatisé est tombé en panne, alors les champignons ont cramé. Aujourd'hui, la température a un peu baissé, il y a eu un orage et il pleut. Nous pensons que notre hiver vaut mieux que votre été. Mais cela ne va pas durer et nous nous préparons à affronter le froid de nouveau. Je fais des patchworks en laine, pour une nouvelle couverture.
des photos (Porto Alegre)
Les dimanches sont moins drôles sans les R.. Nous avons encore bien des visites, mais l'ambiance n'est plus si chaude. Nos amis américains, les C., partent aussi bientôt et rêvent de nous voir débarquer en Californie, quand le Brésil ne voudra plus de nous.
Voilà les derniers potins de Sanga Escura. Ecrivez-nous vite. Papa peut nous écrire une lettre en Portugais !
Saudade para todos vocês. Beijinhos e abraços.
J'ai fini la peinture de la salle. Ouf !...
G. s'émancipe, elle est allée hier soir au cirque avec des copines et est rentrée à neuf heures par le dernier omnibus.
Je reçois en ce moment le premier épisode du journal de Maman. Merci. Vivement la suite.
Et voilà le deuxième qui a suivi d'un jour. J'espère aller à Guaíba cet après-midi pour poster enfin cette lettre. Les graines sont aussi arrivées. Merci. Je vais me mettre à semer dès que la pluie aura cessé. Si vous trouvez des semis d’échalotes, envoyez m’en !
Le 22 Juillet 1977
Chère tous
Je me desside à vous écrire. Cette nuit il y avait une tempête il faisait très frois j'espère que chez vous tous le monde va bien. pour mon aniversair j'ai eu 2 cochons dindes. avant hier nous avons été à Porto Alegre et nous avons laissé E. à Porto Alegre chez des amis brésiliens samedi matin j'irais à Porto Alegre chez des amis. j'ai attrapé un rhume par le froid mais aujourd'hui il commence à faire chaud les r. sont déjà partis ses deux semaines nous sommes en vacance. la chatte a fait des petits 5 d. en a tué 3 maintenant elle pleure parce qu'elle les recherche.
tous les dimanches nous ressevons plein de gens j'ai refais des tests à l'école et je ne sais pas si je redouble. je vais vous quitez pour le moment j'embrasse tous le monde lundi matin nous allons visitez le Brésil. à bientôt j'espère.
T.
Guaíba le 25 Juillet
Nous partons pour trois jours visiter des villages indiens dans le nord de l'état.
A part un chien perdu, un chat qui n'a guère plus que trois pattes et une perruche envolée alors qu'elle était sous notre garde et représentait pour son maître ce qui lui restait de sa famille.
Tout va très bien.
D.
des photos
(vie quotidienne à Sanga Escura)