Deuxième épisode : Sanga escura

 

Sanga Escura le 6 mars 1977

 

Vous me pardonnerez de vous avoir laissés si longtemps sans nouvelles. Tant de choses se sont passées ces dernières semaines. Je n'ai pas eu beaucoup de temps. Pourtant, je vous avais écrit une lettre le samedi avant le déménagement et je n'ai jamais pu la retrouver dans tout le fouillis. Si je la retrouve, je la posterai !

Que je vous raconte tout dans l’ordre chronologique !

Le déménagement était prévu pour le dimanche. Samedi soir nous avons eu la surprise de voir arriver nos amis M. et MM de Porto Alegre, qui venaient nous débaucher pour aller manger un churrasco. Nous leur avons parlé de notre déménagement et ils nous ont proposé de venir nous aider le lendemain. Heureusement, car je ne savais pas par où commencer. En cinq mois, nous avons quand même amassé pas mal de choses. Il faisait une chaleur torride, ce qui n'arrangeait rien. Après plusieurs allers et retours, avec l’aide de la camionnette de la ferme, plus les deux voitures, dimanche soir tout était terminé et nous avons pris possession des lieux.

La premier soir passé à la ferme, il y a eu un orage épouvantable. C'était sinistre ! Dans un lieu encore inconnu, sans électricité, je ne me sentais pas du tout rassurée. Avant de nous coucher, sous une pluie battante, le ciel strié d'éclairs (on y voyait comme en plein jour), nous sommes allés à Porto Alegre chercher les meubles que nous avions achetés quelques jours auparavant chez Emmaüs et que nous avions entreposés dans le garage de nos amis Américains. C'était un retour des vacances, les voitures roulaient au pas. Nous avons mis un temps fou pour arriver, bouchons dignes de l’entrée de Paris un dimanche soir ! Quand enfin nous sommes revenus à la maison, complètement crevés par cette rude journée, chacun s’est couché où il a pu, car tout était resté en vrac !

Le lendemain, tout était à faire ! J'ai commencé par faire le tour du propriétaire. C'est grandiose ! Tout autour de la maison, il y a des arbres fruitiers : orangers, citronniers, limiers, poiriers, avocatiers, figuiers, goyaviers, papayers, arbres à kakis, et j'en passe !... Tout est délaissé et à l'état sauvage. Il va falloir du travail pour remettre tout en état. A côté de la rivière, il y a aussi des arbres très, très hauts, des kapokiers. Juste derrière la maison des espèces d’acacias épineux sont parasités par des quantités d’orchidées magnifiques. Enfouis dans l’herbe, j'ai aussi trouvé de la menthe, du céleri et autres plantes aromatiques. J’ai déjà choisi l’endroit où faire le jardin potager !

des photos (Sanga Escura)

Tout le tour de la maison est en galerie terrasse. Le toit retombe au-delà des murs et c’est très rafraîchissant quand il fait chaud. Le toit est couvert de tuiles, des poutres énormes le soutiennent tout autour. Les plafonds à l’intérieur de la maison et sur la terrasse sont en lambris. Le bois ici est une matière très présente et très noble. Le sol est cimenté jusqu'à un petit rebord de briques ajourées qui fait le tour de la maison et auquel sont adossés des massifs d’hortensias et de coléus !

Le devant de la maison donne plein nord, côté chaud et ensoleillé, ici dans l’hémisphère sud. Ce qui deviendra l’entrée principale est l’entrée de la cuisine, précédée d’un coin terrasse qui sera le lieu de vie et où nous mangerons hiver comme été.

Que je vous décrive l’intérieur de la maison !

Une grande cuisine toute bleue, que j'ai déjà repeinte entièrement, une grande baie vitrée qui donne à l’ouest sur le verger et tout au long de laquelle j’ai suspendu des plantes vertes : fougères, ipomées, misères, etc... Il pousse ici dans la nature des tas de plantes que l’on achète cher en France et que l’on fait pousser difficilement en appartement !. L'eau de la cuisine vient du puits et n'est pas potable ! Les installations d'eau et d'électricité sont plutôt vétustes. Dans le fond de la cuisine, un grand buffet plein de portes et de tiroirs. Nous avons acheté une belle cuisinière toute bleue !

A gauche, une arrière-cuisine, avec un frigidaire, bleu lui aussi, aussi vieillot que tout le reste, mais très spacieux et qui marche très bien. Un buffet bas, une armoire garde-manger, une très belle table ancienne, que nous allons déménager dans la salle à manger afin de la mettre plus en valeur. Il y a aussi un vieux fourneau à bois qui nous servira de chauffage en hiver.

Puis, vers l’arrière de la maison : la salle de bain, toute simple. Elle était assez crasseuse et D. l’a repeinte. Elle fait maintenant confortable : une douche électrique, un petit lavabo, un bidet et les WC.

A côté, sur la droite, la chambre des parents, assez rigolote et orientée sud. Elle est formée de deux petites pièces, Dans celle du fond, sorte d’alcôve, nous avons installé notre lit. Dans l'autre nous avons fait un bureau, avec une table, une armoire classeur et une armoire penderie que nous avons dénichée toute crottée dans le hangar. Je l'ai décapée et cirée, elle a de l'allure maintenant. Le sol est en ciment verni bordeaux. Je l'ai aussi ciré, c’est impeccable ! A côté de la salle de bain, à gauche, un porte ouvre sur l’arrière de la maison, sorte de préau avec une grande citerne qui recueille l’eau de pluie, à l’ombre des acacias et des orchidées.

Revenons dans l'arrière-cuisine. Une porte vitrée qui devait être prévue comme entrée principale, donne sur l’avant de la maison. A gauche de cette porte, une toute petite chambre sans fenêtre, séparée de l’entrée par une double cloison de bois dans laquelle coulisse une porte. Je me la réserve comme laboratoire photo !

En enfilade, après l'arrière-cuisine, un salon que nous avons réchauffé de notre tapis marocain, de nos fauteuils et notre table basse de Torres. Des meubles déjà présents, un fauteuil à bascule (que j'apprécie énormément devant la télévision), une petite table de rotin, où nous avons mis la télé et un canapé de bois recouvert d’une espèce de plastique bleu et que je vais recouvrir du même velours vert dont j'ai fait les coussins des fauteuils.

Puis, une salle à manger, qui était l’endroit de plus mauvais goût lorsque nous sommes arrivés. Nous l'avons transformé, sorti les horribles gros buffets vernis à vitrines, puis la table. Les buffets vont servir d'armoires aux enfants et la table est passée dans notre chambre. Nous avons laissé un beau buffet qui était caché dans un coin, puis nous allons rajouter la belle table de l'arrière-cuisine, avec un énorme banc d'église en bois superbe, que nous avons acheté chez Emmaüs. Nous avons gardé les chaises qu'il y avait, puis un sofa divan assez bizarre, mais qui passera plus inaperçu lorsque je l'aurai recouvert de tissu. Au milieu de la pièce, j'ai mis une peau de vache que nous avons achetée lors de notre dernière balade dans la montagne.

Cette enfilade se termine par les chambres des enfants : deux chambres contiguës, d'abord celle des deux filles, puis E., le seul qui ait une porte donnant sur la terrasse au devant de la maison. Ils ont trois lits de fer que je vais repeindre, car ils sont un peu rouillés. Voilà pour l'intérieur !

Derrière la maison donnant sur la terrasse où sont les lavoirs et la citerne d'eau de pluie, une petite chambre indépendante servira de chambre d'amis. Nous y avons mis un lit de bois étroit qui nous était réservé. Nous préférons dormir par terre, sur deux épaisseurs de matelas.

Plus loin, dans le jardin, une petite maison chaulée qui devait être la maison des gardiens. Nous y avons installé des bancs d'école, trouvés aussi à Emmaüs et nous avons passé les murs à la chaux. Je vais aussi installer un tableau noir et c'est là que les enfants travailleront les cours du CNTE. Ils étaient en vacances depuis quinze jours et il est prévu qu’ils s'y remettent dès demain.

Tout cela en pleine nature, au milieu des vaches, des autruches (et oui !), des oiseaux, des papillons et aussi des serpents ! Quel calme ! …

Tout ce que je vous ai décrit se trouve en bon état, seulement depuis cet après-midi. J'ai fini de laver la dernière pièce. Je suis morte. Vous ne pouvez pas imaginer la saleté que j'ai enlevée. J'ai tout brossé à grande eau et lessive. J'ai les doigts arrachés. Et ce n'est pas fini, car il va falloir repeindre les murs, nettoyer les vitres etc. Je ne vais sûrement pas m'ennuyer. J'aime mieux cela !

D. a commencé à s'attaquer aux extérieurs. Il a fauché le grand champ de devant.

Autre événement important qui s'est passé cette semaine : la rentrée des classes. Nous avons finalement opté pour l’école publique, même si ce n’est pas du tout considéré comme chic. G. est retournée au « ginàsio » où elle était l'an dernier. Ils ont accepté de la prendre « na sexta séria » qui correspond à la 6ème en France. J'espère que cela va marcher. Elle n'est pas très heureuse pour l’instant, car elle ne connaît personne.

E. et T. sont à l’école primaire du coin. Nous avons eu plus de mal pour eux. Finalement nous sommes tombés sur une jeune dame très dynamique qui les a acceptés, E. « na segunda » et T. « na quarta », ce qui correspond au CE1 et CM1 en France. Ils semblent ravis tous les deux. E. adore déjà sa maîtresse et T. a commencé à apprendre ses tables de multiplication en portugais. Je me sens bien soulagée.

Ils ont tous les trois cours l'après-midi. Je n'ai ainsi qu'un aller et retour à faire, et encore, je vais essayer de combiner avec l’« ônibus »' (nom local pour le car) qui passe plusieurs fois par jour juste devant la maison, faisant la liaison entre Guaíba et Barra do Ribeiro.

Les nouvelles des lapins ne sont pas très bonnes. Ils n'ont pas très bien réagi au déménagement. Le blanc est mort. Il est tombé dans la rivière et il a dû mourir d'une congestion. E. et T. ont beaucoup pleuré. On l'a enterré devant la maison et j'ai promis à E. de planter des fleurs blanches. Je lui ai expliqué que le lapin allait devenir de la terre et qu'il ferait pousser les fleurs. c'est pour cela qu'il les veut blanches ! Il a déjà raconté tout cela à sa maîtresse. Il parait qu'elle a compris. Il semble donc qu'il se débrouille avec les mots qu'il connaît « coelho branco morto » !...

La lapine a repris sa vie sauvage et on ne la retrouve pas pour l’instant. Elle se cache dans les hautes herbes. Elle réapparaît de temps en temps. Seul le noir et blanc reste fidèle, mais semble un peu neurasthénique. Il faut que l'on prépare un enclos et on en rachètera d'autres. On va aussi acheter des poules. Tout le monde nous conseille d'acheter une vache laitière, mais c'est un peu soucieux. Je préférerais des chèvres.

Je viens de faire un far breton pour inaugurer le four. Il est parfait. Pendant ce temps, D. et les filles sont allés cueillir des champignons.

Hier, nos amis Français de Porto Alegre ont débarqué. Ils étaient dix et avaient apporté tout le nécessaire pour faire un churrasco. Nous avons improvisé un four en brique dehors et nous nous sommes régalés. Les R. et les A. partent définitivement dans deux mois. Ça me fout le cafard. Ils sont très sympathiques et on a vraiment l'impression de les connaître depuis toujours. Enfin, c'est la vie des grands voyageurs. Les A. sont nommés à l'ambassade de Nouvelle-Zélande et sont contents. Les R. ne savent pas encore où ils vont atterrir.

des photos (les dimanches à Sanga Escura)

Samedi prochain, nous allons à un mariage à Santa Maria. P., directeur de l’alliance française là-bas épouse N., française vietnamienne. Avec tous les Français de Porto Alegre, nous allons leur servir de famille. Nous avons reçu les fiancés hier. Je sens qu’il y aura bonne ambiance.

Le temps est moins chaud que la semaine dernière. Nous avons même eu froid l’autre  nuit, il a fait 9°C et nous n'avons pas de couvertures. Je vais essayer de trouver de la grosse laine pour en tricoter. Tout le monde nous a prévenu que nous aurions très froid pendant l'hiver car les maisons ne sont pas chauffées.

Ce soir, la campagne est très belle sous le soleil couchant. Il va falloir hélas que je rentre, car les moustiques vont attaquer. C'est une plaie !...

Je vais arrêter là. J'espère que vous m'aurez pardonné mon long silence. j'ai reçu la lettre de F. et dès que je pourrai souffler je m'occuperai du métier à tisser. Ses renseignements ont l'air très complets et très précieux. Je l'en remercie. Ils ont déménagé en même temps que nous et doivent se trouver dans la même euphorie.

Nous n’avons plus le téléphone, mais il y a moyen d’appeler à la fazenda. Nous allons contacter la cousine pour fixer un rendez-vous pour le 27 prochain. Contactez-la de votre côté et dites-nous si c'est OK.

des photos (mariage à Santa Maria)

le 21 Mars 1977

 

Avant de me mettre aux peintures, je vous écris. Car sinon la journée va encore passer sans que je trouve un moment . Je ne suis plus inoccupée !...

Ici, l'installation continue et ce n'est pas prêt d'être fini !... Il y a toujours quelque chose à faire. J'en suis aux peintures des portes et des fenêtres !

Les enfants ont repris les cours du CNTE, dans leur nouvelle classe et je trouve que l'ambiance est plus au travail qu’auparavant. Même E. s'y est remis. Cela a été un peu dur les premiers jours. Il a fallu taper du poing et ne pas céder. Maintenant, tout en disant qu'il en a marre, il fait le travail. Je ne la force pas beaucoup, je lui fais faire une demi-journée chaque jour. C'est uniquement la flemme qui l'arrête, car il pige vite et retient bien ! Je passe ma matinée avec les trois : à sept heures, debout, à huit heures, au travail, onze heures trente, déjeuner et douze heures quinze, autobus pour l'école. Il n'y a pas une minute à perdre ! Ensuite, moi, je souffle un peu, je fais la vaisselle et le ménage !... Sans jamais grand enthousiasme !

des photos (la ménagerie de Sanag Escura)

Je suis heureuse de vivre dans cette ferme, de profiter de la campagne toute la journée, mais pour mon assimilation dans le pays, ce n'est pas fameux. Je ne parle pas beaucoup portugais. les amis qui viennent me voir sont, ou Français, ou Américains. Par moment, je me croirais aussi bien en Bretagne, si je n'apercevais quelques palmiers dans le fond du paysage. Je ne pratique la langue que grâce à la télévision.

Ce mois de mars a été beau et pas trop chaud. Aujourd'hui, le ciel gris a remplacé le bleu. Il tombe quelques gouttes, mais encore bien timidement. Nous attendons le déluge, car notre puits est à sec. Il a fallu remplir la citerne à l'eau de la rivière. Jusqu'à présent, je passe mes journées en maillot de bain.

Je m'accorde un après-midi par semaine à Porto Alegre. Le mercredi, je fais laver tout le linge de la semaine à la laverie automatique et j'en profite pour faire des courses. La semaine dernière, j'ai acheté de la laine pour faire des couvertures. Elle est chère et il n'y a pas beaucoup de choix. Il parait qu'en Uruguay et en Argentine, les prix sont plus intéressants. J'ai aussi acheté du coton indien pour faire des couvre-lits, puis le même velours dont j’ai déjà recouvert les fauteuils et avec lequel j'ai recouvert le canapé bleu du salon.

J'ai acheté la machine à coudre des A.. Une Singer électrique, sans aucun perfectionnement, qui ne fait qu’une sorte de point, mais qui me rend beaucoup de services.

Aujourd'hui, D. est parti avec P. R. à Rio Grande. Ils vont visiter une usine de conserve qui leur achète des champignons. Ils ne reviennent que demain. Moi, je n'aime pas beaucoup cela, surtout qu'ici, nous sommes bien isolés et sans téléphone ! ...

Pour reparler des champignons, la récolte s'améliore avec la fin de l'été. Ils font chaque jour dans les trois cents à trois cent cinquante kilos. Ils en ont vendus la semaine dernière pour cent mille cruzeiros, soit quarante mille Francs. J'attends que D. touche son pourcentage. Il n'en est pas encore question. Il est aidé maintenant par un jeune technicien qui a été embauché, Erasmo. Il vient de l’intérieur de l’état, région de montagnes. Il s’est marié avec Lucia et ils vont venir habiter près de la ferme. Nous sommes allés au repas de noces un soir avec P.-R. et An.. Un voyage assez bizarre pour aller jusque là-bas. PR conduisait, on ne voyait pas grand-chose du paysage car il faisait nuit et surtout il y avait un épais brouillard. On avait l’impression d’arriver sur une autre planète ! On nous a placé dans un coin de table et on nous a servi à dîner, mais c’était assez protocolaire et coincé. Je suppose que l’ambiance a du se relâcher dès que nous avons salué tout le monde et repris la route !

Un champignonniste d'Argentine a écrit à D. la semaine dernière, lui disant qu'il n'arrivait pas à faire pousser ses champignons. Il lui demande d’aller expertiser sa culture à Cordoba S'il y va, je voudrais bien y aller aussi et on pourrait faire coïncider cela avec la fin de notre visa qui est pour le dix Avril.

Nous avons acheté un autre lapin, car le noir et blanc ne semble pas décidé à accomplir ses devoirs.... Encore un tout blanc, mais qui parait plus vigoureux que le premier. La première rencontre avec la femelle a été dramatique, il s'est fait arracher un morceau de nez !... Il faut dire que cette lapine, c’est un sacré numéro ! Elle est moitié sauvage et très indépendante. J'espère qu'elle va quand même s'habituer à lui et nous faire des petits !

Nous avons aussi décidé d'acheter une chèvre ou deux. Nous en avions trouvées, mais elles nous semblaient trop chères. Nous devons aller voir dans une autre ferme quand D. sera rentré. Dans le « télégramme de Brest », j'ai trouvé une recette de fromage de chèvre. Il faudra d'abord que j’apprenne à les traire !... J'attends aussi que D. ait terminé l'enclos avant d’acheter des poules. Pour le cheval, ça viendra plus tard ! Avis aux amateurs !…

Avec tout cela, je n'oublie pas de remercier Papa pour sa lettre et le colis. La montre marche à merveille ! Nous n'avons pas encore goûté le thé vert, car il n’y a plus de menthe, la lapine a tout mangé ! Je remercie aussi Chr. pour sa lettre. J'ai reçu un gros paquet de « Télégramme de Brest », j'ai pris du retard pour les lire, car avec tout le boulot que j'ai, je n'ai pas eu le temps de les éplucher. J'ai tout de même pu voir la photo de G. et de Maman.

Nous avons reçu une lettre de la cousine. Elle nous mettra en communication avec vous au téléphone dimanche à dix-huit heures (heure d'ici) à la ferme. Je vais lui envoyer un télégramme pour confirmer.


Le 22 mars

Avant de poster cette lettre, je vous raconte la nuit très agitée que je viens de passer. Comme je vous l’ai dit, D. était absent. Après avoir couché les enfants je suis restée regarder la télé en me disant que plus tard je me coucherais et mieux je dormirais ! Vers minuit, je suis allée au lit, je me suis endormie et en pleine nuit, j’ai été réveillée par une cavalcade. Je suis restée paralysée de peur, j’entendais mon cœur battre à tout rompre ! Je ne sais pas combien de temps je suis restée ainsi figée, mais cela m’a semblé très long et mon imagination était aussi au galop ! j’imaginais qu’un homme à cheval faisait le tour de la maison et essayait de trouver une entrée. J’ai finalement réussi à me raisonner, me disant que quelqu’un qui voudrait entrer par effraction serait plus discret. Sur ce j’ai encore entendu un bruit de galop et j’ai vu la lumière passer sous la porte de ma chambre. Un voleur qui rentre et qui allume en grand la lumière, ça n’existe pas ! Alors j’ai retrouvé mon courage, je me suis levée et j’ai trouvé G aux toilettes à côté de ma chambre. Elle avait la « courante » et s’était déjà levée plusieurs fois en précipitation ! Voilà l’origine des galops ! Nous avons piqué un fou-rire. J’ai donné un médicament à G, et quand elle est allée mieux, nous sommes retournées au lit. La fin de la nuit a été plus calme ! …

 

le 3 Avril 1977

 

Vous allez dire que j'exagère de vous laisser ainsi sans nouvelles. Depuis le dernier coup de téléphone, je ne me suis pas manifestée. La semaine a défilé si vite que je ne m'en suis pas rendue compte. Beaucoup d'événements se sont passés. Je vous raconte tout dans l'ordre.

Mercredi, je suis allée à Porto Alegre, à un entretien pour un travail éventuel... Je suis dans l'expectative. Ce serait intéressant car je n'aurais pas d'heures de présence et serais consultante. Je pourrais ainsi travailler à la maison. J'espère que cela va marcher.

Le lendemain, j'ai fait une audition dans un cabaret. J’étais avec P., notre amie américaine. Ici, les gens sont fous de la musique et de la chanson française. J’ai donné un petit aperçu de mon répertoire, Barbara, Jacques Brel, ... Ils me proposent d’organiser un show chaque troisième mercredi du mois. J'attends une confirmation... Je ne crie pas victoire avant d'y être, car les promesses ici !...

Vendredi, nous étions encore à Porto Alegre, invités chez le consul d'Uruguay, qui joue de la guitare et qui chante du tango uruguayen. Nous avons fait un show tous les deux à la fin du repas. Il y avait aussi là le consul du Portugal que nous ne connaissions pas encore. Il est passionné de lapins ! Nous en avons discuté jusqu'à deux heures du matin, passionnant !.

Depuis mercredi, j'ai une femme de ménage. Je n’y arrivais plus. Elle fait le ménage pendant que je m’occupe du CNTE le matin. Puis elle part à midi. C’est la femme de l’un des employés de la culture. Elle est très discrète. J'apprécie. J'ai ainsi du temps pour faire autre chose que le ménage et la vaisselle. J'ai aussi fait beaucoup de jardinage cette semaine. Cet après-midi, j'ai planté des carottes, des oignons, des choux, des choux-fleurs et des radis, puis des fleurs !... D. me donne son reste de compost comme engrais. J'ai aussi beaucoup défriché pour faire des plates-bandes.

Nous avons acheté deux poules. Elles sont encore trop jeunes pour pondre. On en achètera d'autres ainsi qu’un coq.

Les lapins vont toujours bien, mais la lapine ne semble toujours pas accepter le mâle. Il va falloir aussi en acheter une autre. Nous avons installé tous les animaux dans le «galpão» (grange). Ainsi les lapins ne mangeront pas mes carottes.

Maintenant que je vous ai parlé des animaux, je vous parle des enfants ! Au lycée, nous avons eu des compliments sur G.. Elle réussit bien. Je crois que le niveau d'enseignement en France est meilleur qu’ici et sans la déprécier ça lui permet de faire des prouesses !. La moyenne d'âge dans sa classe est de 13 ans. Elle s'est vraiment bien adaptée, autant en bien qu'en mal, elle devient aussi insupportable que les enfants brésiliens !...Nous sommes obligés d'user d'autorité pour en tirer quelque chose !

Les deux autres font des progrès moins fulgurants. T. paraît un peu dyslexique, c’est vrai qu’avec deux langues, ça double les difficultés. Elle semble avoir du mal à reproduire les sons correctement. E. a semble-t-il trouvé la planque dans sa classe. On lui fout la paix, parce qu'il ne parle pas Portugais. Si en septembre les progrès ne sont pas plus sensibles, j'envisagerai un CNTE complet.

E. a retrouvé sa petite mine depuis qu'il va au collège. Je le ferai ausculter un de ces jours par notre ami P. R., le cardiologue.

Cette semaine, nous nous sommes subitement trouvés en hiver. Un temps gris, froid. La nuit nous gelons dans nos lits sans couverture. Aujourd'hui le soleil a réapparu, mais la température est à peine douce.

Samedi 9, D. et moi partons à Buenos Aires. Il est prévu de revenir le 15. La prochaine lettre que je vous enverrai, viendra sans doute de là-bas. Cette sortie nous permettra de renouveler le visa de touriste puisque les papiers nécessaires pour le visa de résident ne sont pas encore revenus de Brasilia. D. ira à Cordoba visiter le champignonniste et moi je resterai sans doute toute seule quelques jours à Buenos Aires et je ferai du tourisme. C'est dommage que les enfants ne nous accompagnent pas. C'était bien trop cher et surtout on ne voulait pas qu'ils manquent l'école. Ils vont me manquer. Ils vont rester à la maison, avec la femme de ménage et son mari et P. R. ainsi que nos amis Français viendront voir de temps en temps si tout se passe bien.

Les champignons crèvent les plafonds. On ne trouve pas assez de cueilleuses. Hier, j'ai fait une quiche aux champignons, c'était délicieux ! ...

J'ai acheté des draps imprimés au mètre pour les enfants. Ils sont en cretonne et je les ai cousus aux dimensions des lits. J'ai aussi fabriqué des couettes et j’ai trouvé de la laine brute pour les remplir. Il faut que l'on se prémunisse contre le froid. Je me suis aussi fait une jupe en jean. Je rentabilise ma machine à coudre.

Je n'ai pas encore développé les photos car je n'ai pas installé le laboratoire. J’essayerai de les développer dans la salle de bain un de ces soirs, mais il faut pour cela que la nuit soit tombée et pour alors je n’ai plus de courage !

Après toutes ces nouvelles en vrac, je ne vais pas tarder à aller me coucher, je suis cassée... La bêche m'a tordu les reins !

Enfin, voilà une lettre qui partira demain. Vous m'aurez pardonné quand vous la recevrez.

Je promets de ne pas tarder à répondre à J. J'étais très heureuse de recevoir sa lettre, mais ce soir je suis trop morte. Ce sera pour un autre jour !

 

P.S.1 : Nous avons discuté avec le consul du Portugal et sa femme, et nous étions bien contents d'entendre le «sotaque» portugais

 

P.S.2 : Pourriez-vous me glisser dans une lettre, ou deux, ou trois... des graines d'échalotes, de poireaux, d'artichauts, de persil frisé, de ciboulette,... Un petit paquet à chaque fois, doit tenir dans une lettre. Je continuerai ma liste une autre fois.

Les « Okapi » sont arrivés ! ...

 

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